Publié le 10/07/2025
Un article issue de la revue n°56 “Visages d’Asie”
Photo : Association Loire-Mékong
Un article sur les actions de l’association Loire-Mékong avec Daniel Durney, Vice-président
Forte de ses 21 ans d'action en faveur des populations défavorisées de la région du Mékong, notamment au Laos, l'association Loire-Mékong, sise à Cour Cheverny vient de se lancer tout récemment dans une nouvelle aventure éducative à Savannakhet, deuxième ville du pays. Nouvelle aventure ?
Forte de ses 21 ans d'action en faveur des populations défavorisées de la région du Mékong, notamment au Laos, l'association Loire-Mékong, sise à Cour Cheverny vient de se lancer tout récemment dans une nouvelle aventure éducative à Savannakhet, deuxième ville du pays. Nouvelle aventure ?
Pas complètement. Loire-Mékong s'est toujours donné pour thème dominant l'éducation : elle a construit des classes, des dortoirs, des sanitaires, rebâti des collèges et lycées, elle a créé des écoles maternelles, mis en place la formation de jeunes filles pauvres, de personnes handicapées, a fourni des équipements pédagogiques (ordinateurs, bibliothèques), etc.
Mais au fil du temps, certains problèmes sont apparus. On se trouvait de plus en plus souvent devant des écoles sans maîtres, ou avec des maîtres mal formés et sous-payés, donc absents. D'où l'idée de mettre en place un appui direct à l'enseignement, venant nous-mêmes dans les classes pour y assurer certains des cours (en l'occurrence ceux de langue et culture française), en présence et avec les enseignants laotiens. Et donc pendant 6 ans, à raison de deux ou trois sessions par an, à Paksé, au sein d'une école Normale, nous avons formé, préparé et emmené chaque année des cohortes d'étudiants à l'Institut français de Vientiane, la capitale, pour passer les examens du DELF avec un taux de succès à 100%.
Mais voilà qu'à l'issue de la session 2020, l'arrivée de la COVID a frappé ce pays dépourvu des moyens d'y faire face. Deux ans plus tard, quand le Laos a déconfiné sa population et rouvert ses frontières, il n'y avait plus d'étudiants en français à l'école Normale, (quand ils étaient une centaine auparavant) car l'offre de débouchés offerte aux étudiants francophones était devenue minuscule et avait découragé les postulants.
Puisque le problème se situait au niveau des débouchés, nous avons pris le problème à l'inverse : non pas favoriser l'accès à l'éducation par l'équipement et les moyens, mais inventer un type de formation ciblé directement sur l'obtention de débouchés professionnels réels.
La réalisation d'un tel projet ne pouvait prendre place que dans une Université, car un établissement d'enseignement supérieur ne peut éluder la question du passage à la vie active à l'issue des études et se trouve donc enclin à accueillir des initiatives ciblées sur de vrais débouchés professionnels. Notre choix s'est porté sur l'Université de Savannakhet, deuxième ville du pays en nombre d'habitants, et métropole économique très active. Son université, qui s'est ouverte il y a dix ans, est la dernière-née des quatre que possède le Laos. L'accueil de notre projet a été immédiatement enthousiaste, au niveau de sa direction, qui a immédiatement proposé de signer une convention avec nous.
Savannakhet constitue un très bon laboratoire d'observation et d'action par rapport à notre projet, parce que justement le développement touristique y est fluctuant. Le centre-ville, très pittoresque, présente de nombreux exemples de restes architecturaux du temps de la colonisation et certains de ces bâtiments sont très bien rénovés ; en revanche, l'office du tourisme est en ruines. On connaît l'existence d'une très belle bibliothèque perdue en pleine campagne, qui détient de précieux manuscrits
bouddhiques du XVIIème siècle ; mais les circuits touristiques l'ignorent.
Photo : Association Loire-Mékong
La réalisation d'un tel projet ne pouvait prendre place que dans une Université, car un établissement d'enseignement supérieur ne peut éluder la question du passage à la vie active à l'issue des études et se trouve donc enclin à accueillir des initiatives ciblées sur de vrais débouchés professionnels.
Daniel Durney
Au moment où Loire-Mékong réfléchissait au contenu et à la faisabilité de son nouveau projet avec ses nouveaux partenaires de l'Université, les responsables du Lycée bilingue de Savannakhet, nous ont demandé de venir les aider à rehausser le niveau de leurs élèves et enseignants francophones et à les préparer à l'examen du DELF scolaire. Nous avons bien entendu répondu à cette sollicitation, non sans avoir obtenu une aide précieuse de la Région Centre Val de Loire, pour cet ajout à notre nouvelle activité universitaire encore en gestation. Après plusieurs sessions de préparation, le taux de réussite des élèves à l'examen fût de 100 %.
S'agissant maintenant du contenu même du projet, le choix a été fait de mettre en place une unité d'enseignement universitaire consistant en une initiation au « tourisme francophone » pour donner aux étudiants une formation de qualité, en vue d'un débouché de bon niveau. Jusqu'ici les diplômés des établissements qui cherche des emplois dans le tourisme sont assujettis à des emplois subalternes, avec tout au plus un simple apprentissage de terrain, comme cela se pratique dans la formation locale des guides d'agence. Ici, au contraire, l'ambition est plutôt d'aboutir à un métier du type « Agent de voyage », véritable chef de projet capable d'élaborer la préparation des itinéraires, et qui connaît les infrastructures de son pays, sait négocier avec les professionnels. Quant au vocable « tourisme francophone », il signifie simplement que le travail sur les métiers du tourisme se fera « à la manière », ou « selon les méthodes » qui nous sont spécifiques, à nous français, donc un tourisme plus culturel que purement lucratif, plus spécialisé et plus à l'écoute du client que le tourisme de masse. La formation professionnalisante sera donc complétée par un enseignement de culture française, qui familiarisera de facto l'étudiant avec la spécificité française et l'expliquera par l'histoire, les coutumes. Il va de soi aussi que notre projet constituera une bonne opportunité pour tenter de redynamiser le tourisme dans la région (hôtels, agences de voyage, politiques) ; notre interlocuteur Monsieur le Président de l'Université n'a pas manqué de susciter plusieurs réunions entre ceux-ci et Loire-Mékong dans ce but.
Qu'il nous soit permis ici d'ajouter qu'en opérant ce changement d'orientation, notre projet ne fait qu'entériner un des nombreux changements de paradigme que connaît le monde d'aujourd'hui, touchant jusqu'au sens même de l'action francophone. Ainsi le plus souvent on assimilait le terme « francophonie » à l'étude de la langue française. Mais aujourd'hui, la vertu, la noblesse, et surtout l'essaimage mondialisé de la langue française sont fortement remis en question, alors que personne ne conteste l'excellence de notre culture. Notre projet se pose ainsi en écho de cette nouvelle situation et développe l'aspect le plus porteur désormais de la francophonie : la culture et le style français. C'est la raison pour laquelle ce ne sont pas seulement des étudiants de langue qui constitueront le public de notre nouvelle formation, mais aussi bien ceux de gestion, d'économie.
Enfin, signalons que nous avons appris avec une grande satisfaction que Madame l'Ambassadrice de France au Laos s'était rendue récemment à Savannakhet pour rencontrer le Chef de la Province, précisément sur le sujet de la revitalisation du tourisme dans cette région. En outre, nous avons eu connaissance d'une étude pilotée conjointement par les responsables de l'éducation laotiens et notre ambassade, dans laquelle sont énumérées un ensemble de préconisations rassemblées sous le titre :
« renforcer la francophonie du primaire au supérieur afin de former plus de diplômés et d'améliorer leur employabilité dans les secteurs économiques porteurs du pays ». On voit bien, à travers ces deux démarches officielles, que la nouvelle initiative de Loire-Mékong, bien qu'elle ait été conçue en toute indépendance et en concertation directe avec les autorités laotiennes, mais aussi avec le soutien particulièrement bienvenu de la Région Centre Val de Loire, rejoint des préoccupations générales énoncées par les deux Etats partenaires.
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