Jérôme Fauré est directeur exécutif de Coordination SUD, la plateforme nationale des ONG françaises de solidarité internationale.
Coordination SUD est le collectif national des ONG françaises de solidarité internationale. Depuis plus de trente ans, il fédère des associations d'horizons variés pour défendre une vision partagée de la justice, du droit et de l'interdépendance. Son directeur exécutif, Jérôme Fauré, revient sur l'histoire, le rôle et les défis actuels de la solidarité internationale.
Coordination SUD fête ses trente ans. Comment est née cette plateforme et quelle est sa mission aujourd'hui ?
Coordination SUD est née, en 1994, d'une volonté de mutualiser les forces du secteur. Trois collectifs ont décidé de parler d'une seule voix pour représenter les organisations de solidarité internationale auprès des pouvoirs publics.
L'idée était simple : être plus audibles, mieux reconnus et plus efficaces ensemble. Depuis, le collectif s'est considérablement élargi. Nous rassemblons aujourd'hui sept grands collectifs, que je cite ici : le CRID, la Coordination Humanitaire et Développement, le CLONG-Volontariat, le Groupe Initiatives, le CNAJEP, le FORIM et la dernière arrivée en 2025, la Plateforme des droits humains.
Notre mission reste la même : faire entendre une voix commune du secteur, porter un plaidoyer fort au service des associations, mais aussi accompagner ces organisations dans leur professionnalisation et leur évolution au regard du contexte.
Justement, comment accompagnez-vous les associations et ONG au quotidien ?
Coordination SUD a développé très tôt un pôle dédié à l'appui et au renforcement des capacités. Nous avons notamment créé en 2007 le FRIO, le Fonds de renforcement institutionnel des organisations professionnelles, qui aide les structures à se consolider et s'adapter sur la durée.
Nous animons également des clubs métiers, véritables espaces d'échanges et de pratiques entre pairs, qui concernent : la gestion financière, l'accès aux financements, la communication, les ressources humaines ou, plus récemment, le rôle des dirigeants et dirigeantes dans nos organisations.
Enfin, la formation est un autre pilier : nous proposons des formations courtes certifiées Qualiopi sur des sujets tels que : comment monter un projet pour se faire financer par l'AFD ou l'Union européenne , le management, les modèles économiques, la stratégie associative… Ces dispositifs sont ouverts à toutes les organisations, pas uniquement aux membres de Coordination SUD. C'est une manière d'agir pour l'intérêt général du secteur. Nous offrons ainsi de nombreuses opportunités aux personnes qui œuvrent dans les organisations pour se retrouver et échanger, apprendre les unes des autres. C'est fortement apprécié.
Votre slogan, « Rassembler et agir pour la solidarité internationale » semble traduire une vision fédératrice du secteur.
Oui, c'est un véritable fil conducteur. Rassembler, c'est se retrouver autour de causes et de valeurs communes, une vision partagée du vivre-ensemble, cela nous permet d'affirmer que la solidarité internationale fait pleinement partie de la grande famille qui compose l'économie sociale et solidaire, et plus largement du mouvement associatif. Coordination SUD siège d'ailleurs au Conseil d'administration du Mouvement associatif, qui représente près de la moitié des associations françaises.
Nos 188 organisations partagent une charte éthique et un socle de valeurs communes que nous voulons défendre. Mais au-delà du rassemblement, il s'agit d'agir concrètement pour renforcer la solidarité dans un monde en mutation. C'est ce que nous faisons grâce à nos actions de plaidoyer auprès des parlementaires et institutions, à nos actions d'appui aux organisations mais aussi à travers un pôle de prospective qui anticipe et décrypte les transformations du secteur : la baisse des financements publics, la montée des discours de repli ou encore les bouleversements technologiques comme l'intelligence artificielle.
Comment définiriez-vous aujourd'hui la solidarité internationale ?
La solidarité internationale, c'est un ensemble d'actions et de principes qui relient les individus, les organisations et les États pour soutenir les populations confrontées à des vulnérabilités, des inégalités — qu'il s'agisse de pauvreté, d'injustice, de catastrophes naturelles ou de conflits.
Mais elle est devenue bien plus que cela. Nous ne sommes plus dans une logique d'aide unilatérale « du Nord vers le Sud » héritée de l'époque postcoloniale. Aujourd'hui, il s'agit de coopération horizontale et réciproque, fondée sur la reconnaissance de notre interdépendance. Les crises climatiques, sanitaires, sociales ou politiques nous rappellent que nos destins sont liés. Ce qui se joue à l'autre bout du monde a des répercussions directes ici, et inversement. C'est ce changement de regard qui transforme profondément le sens de la solidarité internationale.
Cette évolution s'accompagne-t-elle aussi d'une approche par les droits ?
Tout à fait. La solidarité internationale, aujourd'hui, c'est défendre des droits universels, faire en sorte que chacun et chacune puisse exercer pleinement ses droits : le droit à l'éducation, à la santé, à la dignité, mais aussi les droits de toutes et tous : des femmes, des migrants ou des minorités dans toute leur diversité.
Ces droits sont de plus en plus contestés, y compris dans les démocraties. La solidarité consiste donc aussi à protéger les acquis et à renforcer l'accès aux droits là où ils sont fragiles.
Cette approche par les droits crée d'ailleurs un pont avec d'autres acteurs et secteurs associatifs. Les organisations de solidarité internationale partagent les mêmes valeurs que celles qui œuvrent localement pour la justice sociale, la sécurité alimentaire, l'égalité, la culture ou l'environnement. Nous faisons partie d'un même mouvement et c'est important de le reconnaître et de nous reconnaître les uns les autres Ensemble, nous sommes une force citoyenne incroyable !
On a vu récemment une mobilisation commune du monde associatif autour de la défense des solidarités. Est-ce un tournant ?
Oui, et c'est un moment important. Le 11 octobre dernier, le Mouvement associatif a rassemblé des centaines d'organisations dans toute la France pour alerter sur la baisse des financements publics et la fragilisation du monde associatif, en alertant grâce au slogan « ça ne tient plus ! ». Ce jour-là, nous étions côte à côte avec des associations de tous horizons — locales, sociales, culturelles, humanitaires. On s'est reconnus dans les mêmes valeurs, les mêmes inquiétudes, les mêmes espoirs.Cette convergence est essentielle : les attaques contre la solidarité ne concernent pas qu'un seul secteur. C'est l'ensemble de la société civile qui doit se mobiliser pour défendre sa capacité d'agir. Sans quoi, la société ne tient plus !
Rassembler, c'est affirmer que la solidarité internationale fait pleinement partie de la grande famille de l'économie sociale et solidaire, et plus largement du mouvement associatif.
Faut-il encore distinguer solidarité locale et solidarité internationale ?
Pas vraiment. Être solidaire, ce n'est pas une question de géographie, mais d'état d'esprit, qui nait de l'empathie et d'une conscience citoyenne. Nous voyons des collectivités locales très investies dans des projets à l'étranger, par exemple au Bénin, en Amérique centrale ou en Inde, et qui sont aussi parmi les plus actives dans l'économie sociale et solidaire sur leur territoire. Les deux se nourrissent mutuellement.
De la même façon, beaucoup de bénévoles cumulent plusieurs engagements : aide aux migrants, lutte contre la pauvreté, coopération internationale… La solidarité est multiple, et plus elle s'exprime dans la diversité, plus elle devient forte.
Quand une collectivité ou une association s'engage à l'international, cela a un effet d'entraînement local. On voit naître des collaborations, des envies, des projets communs. C'est un cercle vertueux qui irrigue tout un territoire.
La jeunesse, souvent décrite comme désengagée, est pourtant très mobilisée sur les questions de justice et de climat notamment. Comment la percevez-vous ?
Je crois qu'il faut tordre le cou à l'idée selon laquelle les jeunes ne s'engagent plus. C'est faux : les statistiques montrent que leur taux d'engagement bénévole dans nos organisations dépasse désormais celui des retraités. Mais leurs formes d'engagement ont changé. Elles sont plus horizontales, peut-être plus volatiles, souvent portées par des causes globales — le climat, la diversité, la justice de genre.
De Coordination SUD, est née une commission jeunesse et solidarité internationale et un programme spécifique, Place aux jeunes !, porté par l'organisation Engagé.e .s et déterminé. e.s qui explorent ces nouveaux modes d'engagement et poussent les organisations et les politiques publiques à favoriser cet engagement des jeunes qui ne cherche qu'à s'exprimer. L'enjeu, je crois, n'est pas de faire entrer à tout prix les jeunes dans nos structures existantes, mais d'aller là où leurs solidarités s'expriment : dans les mouvements climatiques et environnementaux, les initiatives locales, les associations nouvelles.
En conclusion, comment voyez-vous l'avenir de la solidarité internationale ?
Je le vois avec lucidité mais aussi avec espoir. Les crises sont profondes, les tensions fortes, mais la solidarité internationale reste un espace d'innovation, d'humanité et d'espérance. Les associations, petites, moyennes ou grandes, continuent d'inventer, de relier, de défendre le bien commun. Notre rôle à Coordination SUD, c'est de leur donner les moyens d'exister, de coopérer et de porter haut cette conviction simple : co-opérer, c'est reconnaître que nos chemins de vie sont reliés. Ces réseaux puissants que nous tissons avec le monde protègent nos futurs.
La solidarité n'est pas une utopie : c'est une manière concrète et nécessaire d'habiter le monde.
CENTRAIDER est un réseau régional multi-acteurs, au service de toutes les structures engagées dans des projets de coopération décentralisée et/ou de solidarité internationale (collectivités territoriales, associations, établissements scolaires, hôpitaux, universités, etc.). CENTRAIDER s'est fixé pour objectif l'amélioration des pratiques des acteurs de la coopération et la solidarité internationale.
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