Cédric Klapisch : cinéaste de l’Europe et de la mobilité

Photo : Joséphine Brueder

L'Europe, une utopie à réinventer

Pour Klapisch, l'Europe est plus qu'un cadre géographique : c'est une idée, un espace de rencontre et d'échange. Avec L'Auberge Espagnole, il met en lumière l'expérience Erasmus, qu'il considère comme une forme d'intégration européenne à la base. « Ces jeunes qui partent étudier ailleurs construisent une Europe humaine et spontanée, loin des logiques bureaucratiques. C'est ce qui m'a séduit dans cette génération », a-t-il confié.

Cependant, il exprime également une certaine désillusion face à l'évolution de l'Europe depuis les années 2000. Dans des interviews récentes, il déplore une montée du nationalisme et un effritement de l'idéal collectif : « On est passé d'une Europe de la solidarité à une Europe où chaque pays joue sa propre partition. C'est dommage parce que l'idée de départ était magnifique. » Dans Salade Grecque, il actualise ce discours en montrant comment les jeunes Européens doivent naviguer dans une Europe marquée par les crises économiques, le Brexit, et la montée des inégalités.

La mobilité comme transformation

La mobilité, qu'elle soit physique ou intérieure, est au cœur de l'œuvre de Klapisch. Pour lui, voyager, c'est s'ouvrir à d'autres perspectives et enrichir son regard. « Le voyage n'est pas seulement un déplacement géographique ; c'est un processus de remise en question de soi », explique-t-il. Dans L'Auberge Espagnole, ce thème est abordé à travers Xavier, qui découvre les richesses et les défis d'une vie partagée avec des jeunes d'autres cultures.
Avec Casse-Tête Chinois et Salade Grecque, il montre que cette mobilité devient aussi un défi générationnel. « Aujourd'hui, les jeunes bougent moins par choix que par nécessité. Ils doivent s'adapter à un monde qui les oblige à être mobiles pour survivre »,
analyse le cinéaste. Ce discours reflète une prise de conscience des nouvelles dynamiques globales, où les enjeux de travail, de logement et de citoyenneté jouent un rôle central.

L'interculturalité comme richesse et défi

Klapisch a souvent exprimé son intérêt pour les chocs culturels et les points de rencontre entre identités. Inspiré par ses propres expériences d'expatriation, il considère que vivre dans un monde multiculturel est une opportunité, mais aussi un défi. « Accepter l'autre, c'est accepter de se questionner soi-même », résume-t-il.
Dans Salade Grecque, cette thématique est particulièrement présente, avec des personnages qui jonglent entre leurs héritages culturels et leurs ambitions personnelles. Athènes devient un symbole de cette complexité : « C'est une ville qui porte le poids de son passé tout en essayant de trouver sa place dans le monde moderne », explique-t-il. Ce cadre permet d'aborder des questions contemporaines comme les migrations ou la reconstruction après des crises.

Au-delà de l'Europe, Klapisch s'intéresse surtout aux jeunes et à leurs défis. « Être jeune aujourd'hui, c'est affronter un monde plus incertain que jamais, mais aussi plein de possibilités », dit-il. Dans Salade Grecque, il explore des sujets comme la précarité, l'engagement écologique et les tensions générationnelles. Cette série est, selon lui, une tentative de capturer la manière dont la jeunesse d'aujourd'hui redéfinit ses priorités et ses valeurs.

Un cinéma qui invite au dialogue

Klapisch ne prétend pas apporter des réponses définitives. Pour lui, ses films sont avant tout une invitation à réfléchir et à dialoguer. « Le cinéma a ce pouvoir de rassembler les gens, de les faire discuter sur des questions qui nous touchent tous », affirme-t-il. À travers ses œuvres, il invite à voir l'Europe non pas comme une utopie perdue, mais comme un projet collectif toujours en devenir.

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