Publié le 12/12/2025

Un article issue de la revue n°57 “Célébrer la Solidarité, des clés pour continuer d’agir”
Photo : Centraider / So Coopération
Un article de Franck Fortuné
Franck Fortuné est le Délégué général de la CIRRMA (Conférence Inter-régionale des Réseaux Régionaux Multi-Acteurs)
Qu'est-il possible de comprendre d'un tel titre ? Intuitivement, il est juste d'imaginer qu'il s'agit de gérer collectivement un espace géographique, délimité administrativement (ville, département etc) ou par les usages (bassin de vie, bassin versant etc). En se penchant un peu plus sur l'approche par les communs, comme le définit E. Oström, il est question de savoir combiner une ressource, une communauté et des règles.
Une formule simple, pour une alchimie complexe. Souvent présentée comme une troisième voie entre le Marché et l'Etat, cette approche parle à beaucoup d'acteurs du monde associatif, de l'économie sociale et solidaire, de la société civile au sens large mais aussi à des institutions décentralisées, qui tous sont à la recherche d'une forme d'optimum entre un territoire et sa gouvernance.
Appliqué au champ de la coopération et de la solidarité internationales, cela peut être riche d'enseignements et de changements dans nos pratiques. Imaginez un instant que le moteur des relations internationales, ne soit plus la relation d'Etat à Etat, mais la relation d'un territoire à un autre. Nous changerions déjà d'échelle et de regard sur la manière dont les habitants de ces territoires peuvent entrer en relation. Il ne s'agirait plus de dire la France et tel Etat coopèrent, mais de revenir à nommer les choses à leur juste échelle d'action (le nom des territoires concernés par un projet, et plus précis encore, le gentilé des jeunes qui y participent, la vallée où se déroule l'action, le nom exact de la problématique etc). Car « mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde » comme le disait Albert Camus. Si l'on accepte de perdre de la grandeur induit par ce biais de surgénéralisation apprécié des communicants, nous nous grandirons autrement.
Poursuivons par l'exemple en s'appuyant sur notre intuition. A l'heure de la Coop 30 à Belém, vous avez à minima en tête l'image d'un Brésil qui abrite une des richesses communes à l'humanité : l'Amazonie. Quand celle-ci brûle, vous vous sentez concernés. Idem, lorsque vous apprenez qu'un haut lieu de biodiversité est menacé, ou qu'il est difficile de se soigner en périphérie des villes de tel pays : « c'est pareil ici !» me répondriez-vous. C'est ce fil qui nous guide dans l'acception de l'idée de territoires en commun.
Et si nous utilisions cela dans la coopération internationale pour promouvoir l'idée que des habitants de territoires partageant des enjeux similaires (l'accès au soin, la préservation du patrimoine, l'urbanisation, la gestion des écoles, l'érosion du littoral etc) puissent rentrer en coopération sur le triptyque communauté, ressources, règles ? Nous pourrions ainsi plus facilement imaginer que les enjeux sont communs, même si chacun s'exprime avec la singularité de son contexte. Nous pourrions bousculer notre tryptique communautés, ressources, règles, au miroir d'un autre territoire. Soyons audacieux. Nous pourrions partager des formes originales de gouvernance ; et si les habitants, la société civile, les collectivités qui ont à gérer pour partie l'Amazonie avaient leurs mots à dire sur la gestion de la forêt ou du parc naturel près de chez vous ?
Si vous trouvez à la lecture de ces mots qu'il n'y a pas de révolution copernicienne dans cette approche par les communs, c'est qu'il nous faut aborder les autres formes d'engagement à l'international. Celles qu'il faudrait nécessairement réformer ou abandonner. Car la multiplication des crises nous oblige à faire des choix.
La dernière décennie a fait naître une vague de « dégagisme » sur la présence française en Afrique. On peut ergoter sur les raisons en réglant la focale sur les chancelleries ou observer que la permanence des liens se situe au niveau des relations d'amitié, des diasporas, des sociétés civiles qui dialoguent par-dessus le mur des désaccords internationaux. Tant que l'on commence nos phrases par « la France » et « l'Afrique », qu'importe l'analyse qui suit, celle-ci tombe immanquablement dans une forme de désuétude (et de discrédit !). Changer notre récit sur les échelles c'est donc une nécessité pour être audible et accepté par nos concitoyens, ici comme ailleurs.
Dans le même temps, depuis 2015 sont mis en œuvre des Objectifs de Développement Durable (ODD), dont vous pouvez appréciez ou non la pertinence ou encore regretter les faibles avancées sur le terrain. Les ODD ont l'avantage conceptuel d'introduire les enjeux communs et de penser en logique planétaire (et pas international !). La différence ? Sur les questions d'égalité de genre par exemple, il n'est plus donné aux occidentaux d'en faire la leçon aux autres, mais bien de contribuer à un meilleur examen de leurs propres actions en la matière ; une approche salutaire comme l'ont montré les récents débats de sociétés. Changer notre récit sur les communs c'est donc une nécessité pour être légitime à agir, ici comme ailleurs.
Faire des choix, c'est aussi renoncer. Les projets de coopération et de solidarité internationales qui ne s'enracinent pas dans cette approche par les communs ont peu de chances de perdurer dans leurs légitimités d'action. Disons-le, « nous », les occidentaux, ne pouvons plus offrir comme seul point d'appui notre capacité à « faire des projets » et notre manuel de « renforcement de capacités » qui nous amène à penser le monde avec la seule compétence d'un gestionnaire en ressources, auréolé par le sens charitable de la solidarité internationale. Cela n'est plus. Le monde, ou plus précisément les enjeux planétaires, se pensent déjà autrement. Peut-être qu'avec votre aide, l'idée même des « territoires en commun » sera une nouvelle pierre pour consolider l'édifice chancelant de la coopération internationale.
C'est sur cette base de réflexion que la CIRRMA et SO Coopération (RRMA de Nouvelle Aquitaine) ont organisé, le 6 novembre dernier, la journée des Initiatives Citoyennes de Coopération Internationale (ICCI). Les RRMA ont fait partie des 140 participants qui ont nourri les nombreux échanges autour des questions que, fort heureusement, nous nous posons sur les nécessaires évolutions de nos manières de coopérer.
Imaginez un instant que le moteur des relations internationales, ne soit plus la relation d'Etat à Etat, mais la relation d'un territoire à un autre. Nous changerions déjà d'échelle et de regard sur la manière dont les habitants de ces territoires peuvent entrer en relation.
CENTRAIDER est un réseau régional multi-acteurs, au service de toutes les structures engagées dans des projets de coopération décentralisée et/ou de solidarité internationale (collectivités territoriales, associations, établissements scolaires, hôpitaux, universités, etc.). CENTRAIDER s'est fixé pour objectif l'amélioration des pratiques des acteurs de la coopération et la solidarité internationale.
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