Retour sur “25 ans de Centraider : Célébrer la solidarité, des clés pour continuer d’agir”

Publié le 07/07/2025

Le 23 mai 2025, à Orléans, Centraider a fêté ses 25 ans. Une occasion de célébrer un quart de siècle d'engagement au service de la coopération internationale, mais surtout de poser un regard lucide sur les mutations profondes qui bousculent les pratiques de solidarité. Face à des crises géopolitiques, climatiques et sociales qui se superposent, comment continuer à agir ? Cette journée s'est articulée autour d'une plénière inspirante et d'ateliers participatifs, posant les bases d'un renouvellement nécessaire.

Une plénière pour refonder les repères

Bertrand Sajaloli, maître de conférences en géographie, a ouvert la plénière en rappelant les deux piliers historiques de Centraider : le partenariat et la pérennité. Mais aujourd'hui, ces repères sont mis à l'épreuve : conflits armés, dérèglement climatique, rejet croissant du modèle de “développement classique”. Comme il le résume avec force : « Mieux vaut apprendre à pêcher que donner du poisson ? Peut-être. Mais encore faut-il qu'il reste du poisson. »

Trois interventions ont nourri les réflexions :

  • Sébastien Minchin (Muséum de Bourges) a introduit le concept de symbiocène : un changement de paradigme écologique et culturel. Il invite à penser notre rapport au vivant sous le prisme de la coopération, plutôt que de la domination, et à réenchanter nos récits collectifs en s'inspirant des interactions invisibles mais vitales, comme celles du sol ou des chauves-souris.
  • Matthieu Le Corre (GRET) a partagé des expériences concrètes de gouvernance par les communs (eau, terres, savoirs), du Laos à Madagascar, en passant par le Sénégal. Cette approche replace les communautés locales au centre, en co-construisant des règles de gestion partagée, à rebours des logiques descendantes.
  • Valérie Huguenin (AFD) a livré un bilan sans complaisance de l'aide publique au développement : budgets en baisse, pressions politiques, critiques croissantes. Elle appelle à un nouveau récit, plus humain, plus incarné, pour retisser le lien entre citoyens et action internationale.

Ateliers participatifs : construire des clés pour demain

Atelier 1 : Faire vivre la solidarité face au repli des nations

Les participant·es ont dessiné leur idéal de la solidarité internationale à l'horizon 2030 : plus inclusive, moins technocratique, plus horizontale, basée sur la confiance et la réciprocité. Plusieurs pistes d'action émergent :

  • Valoriser la jeunesse et renforcer les actions d'Éducation à la Citoyenneté et à la Solidarité Internationale (ECSI).
  • Mutualiser les projets et les financements, notamment à l'échelle européenne.
  • Adapter les formes d'engagement
  • Accompagner les acteurs du Sud sans imposer, en acceptant parfois de « se taire » dans les zones en tension.

Les freins sont bien identifiés : lourdeurs administratives, vieillissement des bénévoles, démotivation, montée des extrêmes, risques de néocolonialisme… mais aussi des leviers : richesse des réseaux associatifs, projets de terrain ancrés localement, outils d'ECSI, relations de confiance.


Atelier 2 : Coopérer avec les entreprises : vers une solidarité multi-acteurs

Cet atelier a exploré les motifs d'engagement des entreprises en RSE, allant de la conviction éthique à la contrainte réglementaire, en passant par les opportunités de marché. Il en ressort que la création de valeur globale, l'interconnexion des réseaux, la mutualisation des moyens et le récit commun sont les clés d'une coopération réussie entre ONG, institutions et secteur privé.


Atelier 3 : Le rôle des collectivités territoriales dans la coopération internationale

Cet atelier a mis en lumière les dispositifs comme EDEN et les projets “clés en main”, qui simplifient l’engagement des collectivités en appui à leurs partenaires du Sud. Trois témoignages riches illustrent cette dynamique :

  • Ville de Saint-Cyr-sur-Loire & Koussanar (Sénégal) : Une coopération de plus de 35 ans, centrée sur l'accès à l'eau, l'éducation et la santé. Avec EDEN, la réflexion s'oriente vers un modèle plus pérenne, notamment via la mise en place de pompes solaires et de systèmes de facturation locale.
  • Ville d'Issoudun & Behenjy (Madagascar) : Un partenariat basé sur l'accès à l'eau, intégrant un modèle économique innovant via la DSP de l'eau (avec Suez), des fonds dédiés à la solidarité, et la mise en place de bornes fontaines autogérées. Le projet favorise aussi l'implication citoyenne via des événements, expositions et échanges scolaires.
  • Ville de Blois & Azrou (Maroc) : Après des années d'interruption, EDEN a été un levier de relance, avec l'appui d'Électriciens sans frontières. Objectifs : panneaux solaires, formations techniques et retissage du lien entre les collectivités.

Un point fort a également été fait sur les Volontariats de Solidarité Internationale (VSI), présentés comme un vecteur essentiel pour incarner les coopérations et fluidifier les relations entre partenaires. Exemple à l'appui : le VSI de la Région Centre-Val de Loire au Laos, engagé dans des projets d'eau et de protection des zones humides.


Atelier 4 : Adapter nos pratiques aux enjeux environnementaux

Animé autour de l'ouvrage « Écologie et pouvoir d'agir » du F3E, cet atelier a déconstruit la distinction entre « écologie » et « environnement », révélant les rapports de pouvoir et d'oppression parfois masqués dans nos pratiques. À travers deux études de cas (un collectif paysan en banlieue parisienne et un projet du GRET en Guinée), plusieurs convictions fortes émergent :

  • L'écologie ne doit pas être un supplément d'âme mais un cadre de transformation sociale, co-construit avec les populations concernées.
  • Il est essentiel de reconnaître les savoirs invisibilisés, notamment ceux issus des traditions paysannes ou autochtones.
  • Les ONG doivent faire preuve d'humilité et repenser leurs propres pratiques (ex. : déplacements en avion, logique de projet imposée).
  • La justice environnementale doit se penser dans une perspective intersectionnelle (genre, classe, race).

Des outils sont proposés pour accompagner ce changement de posture : fiches pratiques, podcast, outil d'autopositionnement, etc.


Une vision commune : refonder en profondeur

De cette journée dense se dégage une idée forte : nous ne sommes plus simplement dans une phase d'adaptation. Il s'agit de refonder notre manière de coopérer. De repenser les récits, les postures, les mots utilisés. D'oser remettre en question ce qui semblait aller de soi : le modèle du projet, le rapport Nord/Sud, le rôle des ONG.

L'enjeu n'est plus seulement d'agir pour le Sud, mais d'agir avec, dans une logique de co-construction et de symbiose. La solidarité de demain devra être écologique, décoloniale, juste, mais aussi souple, humble et créative.

Une invitation à continuer ensemble

En célébrant ses 25 ans, Centraider ne s'est pas contenté de regarder dans le rétroviseur. Cette journée a permis d'ouvrir des perspectives audacieuses, de tracer de nouveaux chemins. Les graines semées lors des débats, des échanges et des témoignages sont appelées à grandir dans les territoires, les projets, les imaginaires.

La solidarité, pour être durable, doit être vivante. Et pour rester vivante, elle doit savoir se réinventer.

Centraider

CENTRAIDER est un réseau régional multi-acteurs, au service de toutes les structures engagées dans des projets de coopération décentralisée et/ou de solidarité internationale (collectivités territoriales, associations, établissements scolaires, hôpitaux, universités, etc.). CENTRAIDER s'est fixé pour objectif l'amélioration des pratiques des acteurs de la coopération et la solidarité internationale.

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